Les informations contenues dans ce texte proviennent de l’œuvre de Charlotte Whitton intitulée A Hundred Years A-Fellin’, 1842-1942 : some passage from the timber saga of the Ottawa in the century in which the Gillies have been cutting in the valley qui décrit, de façon exhaustive, les différentes étapes de l’établissement de la compagnie Gillies Brothers.

En 1842, lorsque John Gillies construit le premier moulin à scie sur la rivière Clyde (Ontario), il débute alors la production de bois équarri, alors favorisé sur les marchés britanniques par des tarifs préférentiels qu’accorde la Grande-Bretagne aux produits de ses colonies. Au moment de l’abandon de ces tarifs préférentiels, la compagnie se repositionne à l’intérieur du marché nord-américain. La majorité de sa production sera dorénavant écoulée sur les marchés américains, une faible proportion étant destinée aux marchés locaux et britanniques. De plus, le traité de réciprocité de 1854 favorise les échanges canado-américains.

La production de bois équarri est graduellement remplacée en importance par celle du bois scié. Elle persiste néanmoins jusqu’en 1903, année où le dernier radeau de bois équarri de cette compagnie flotte sur la rivière des Outaouais.

Les informations contenues dans ce texte proviennent de l’œuvre de Charlotte Whitton intitulée A Hundred Years A-Fellin’, 1842-1942 : some passage from the timber saga of the Ottawa in the century in which the Gillies have been cutting in the valley qui présente les membres de la famille Gillies ainsi que leurs activités économiques.

Âgé de 10 ans en 1821, John Gillies arrive au Canada avec ses parents James et Helen Stark ainsi que ses frères et sœurs. Ils laissaient derrière eux leur petit village de Banton où avait grandi John pour s’établir dans le comté de Lanark (Ontario). Bien qu’installé depuis le début des années 1820, James Gillies n’obtient la concession (Lot 10, rang 5, Lanark) que le 13 septembre 1837.

En 1842, John Gillies obtient une terre sur les berges de la rivière Clyde où il établit un moulin à scie, un moulin à farine ainsi qu’un moulin servant à carder la laine. Bien que d’autres moulins existent dans la région, ces moulins sont alors essentiels pour la communauté.

Vingt ans plus tard, John Gillies achète une deuxième concession forestière aux abords de la rivière Mississippi (Ontario). Ce n’est qu’en 1873 que la compagnie étend son territoire de coupe dans le Pontiac. Elle obtient alors les permis d’exploitation d’un territoire situé dans la vallée de la rivière Coulonge nommé Usborne.

Le 11 août 1888, John Gillies décède et ses fils assurent la continuité au sein de l’entreprise familiale.

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L’usine principale de la Gillies Brothers Company est située à Braeside (Ontario) où elle s’est implantée en 1873. Elle emploie plusieurs travailleurs québécois et ouvre de nombreux camps forestiers, entrepôts et moulins à scie dans le comté de Pontiac.

En 1928, la compagnie loue un entrepôt mesurant cinquante-cinq pieds et six pouces de longueur par vingt-trois pieds de largeur situé à Campbell’s Bay.

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et appartenant à la Canadian Pacific Railway Company

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Le loyer annuel est fixé à 10,00$ et le bail restera en vigueur jusqu’au 6 juillet 1938, date à laquelle il est annulé.

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En 1956, la compagnie embauche 37 employés à Waltham et, prévoyant une décentralisation de son usine de Braeside, envisage d’employer 53 travailleurs au Lac-des-Chats dans un futur prochain.

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Bien que la compagnie Gillies Brothers existe depuis 1842, elle ne possède des droits de coupe en Outaouais que depuis la fin du XIXe siècle. Elle acquiert alors plusieurs terrains privés dans le Pontiac : une partie de terres aux abords du lac Usborn (1875), quelques îles du Lac des chats dans le canton de Clarendon (1898),

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Certains lots dans le canton de Bristol, une terre du canton Esher acquise en 1906 de E.-H. Bronson et d’autres plus récentes aussi, par exemple un bout de terre dans le canton de Waltham acheté en 1954. La compagnie obtient aussi des permis de coupes dans le Pontiac. Certains sont achetés de la J.-R. Booth Limited (1943), mais plusieurs de ces terres ont déjà fait l’objet d’exploitation depuis le début des années 1840 par des entrepreneurs, tels que P. Le Furgy, J. Leveille, G. Walker, J.-K. Ward, J. Foran, Symmes & Baird, W. Hamilton, W. Graham, G. Bryson et J. Coughlin. La compagnie possède aussi des permis de coupe en Ontario et en Colombie-Britannique.

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Les essences de bois qui y sont coupées sont majoritairement le sapin et l’épinette grandement utilisés pour les pâtes et papiers, et quelques pins qui atteignent parfois plus de 120 ans sont coupés en planche

Les ressources naturelles doivent aussi être protégées et le plus grand danger dont elles sont la proie est probablement le feu. Le gouvernement du Québec adopte d’ailleurs une loi en 1925 pour créer des districts de protection contre le feu et l’entérine en 1935 pour scinder la région de l’Outaouais en deux districts, la rivière Gatineau étant la frontière naturelle entre les deux.

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Comme les territoires de coupe de plusieurs compagnies se côtoient et que le feu doit être enrayé le plus rapidement possible, les compagnies se regroupent pour former des sociétés de protection contre le feu. En 1934, la Lower Ottawa Fire Protection Association Limited (L.O.F.P.A.L.) est fondée. Elle regroupe principalement le territoire de la James Maclaren Company, celui de la Canadian International Paper Company et de la E.B. Eddy Company. Une seconde association est aussi fondée : la Ottawa River Forest Protective Association Limited (O.R.F.P.A.L.). Bien que son siège social soit à Ottawa, elle dessert le territoire de la Gillies Brothers Company.

Le but principal de ces associations est bien clair et les moyens pour y parvenir sont multiples. Le territoire de chaque association est divisé en sections. Une tour d’observation est construite sur leur territoire.

 

 

 

 

 

 

 

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Elle est en général érigée au sommet d’une montagne afin d’optimiser le rayon d’observation. Si au départ, les tours sont reliées entre elles par une ligne radio, au fil des ans, la ligne téléphonique remplace ce système de communication. Les garde-feu communiquent avec la tour la plus près à l’aide de radios portatives qui s’améliorent d’année en année.

En cas d’incendie, le garde-feu doit dépêcher une équipe qui veillera à l’extinction du feu. Atteindre le feu peut parfois être difficile dans des régions où les routes sont éloignées. Dès 1938, la L.O.F.P.A.L. achète des aéroplanes pour envoyer l’équipe de protection le plus rapidement possible sur les lieux de l’incendie. Douze ans plus tard, en 1950, la même association prévoit l’achat d’hélicoptères puisqu’ils sont beaucoup plus faciles à manipuler. En 1959, la O.R.F.P.A.L. prévoit l’achat d’automobiles et de camions pour chacune de ses sections. Ces changements technologiques viennent modifier considérablement le travail des garde-feu.

Les associations de protection de la forêt contre le feu ont aussi comme mandat de promouvoir la sécurité dans les forêts et travaillent à sensibiliser la population aux causes des feux de forêts. Ainsi, en 1937, la L.O.F.P.A.L. est approchée pour présenter une émission radiodiffusée sur le déroulement d’un feu de forêt et son extinction. Cette association publie un dépliant informatif sur les mesures de prévention à suivre.

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Ces associations doivent aussi travailler de concert avec le gouvernement provincial, notamment lorsque le gouvernement provincial émet des avis d’interdiction de passage en forêt comme c’était le cas en 1938 et 1948. Elles sont de plus responsables d’une importante collecte d’information, puisque chaque feu est enregistré et documenté par les garde-feu pour le ministère des Terres et Forêts du Québec. Ces données permettent de mieux comprendre les causes et les facteurs du déclenchement des incendies de forêts.

Les associations sont responsable d’embaucher les garde-feux, mais leur salaire est déterminé par le Ministre des Terres et Forêts du Québec. Ainsi en 1932, les garde-feu gagnent 1,50$ par jour avec une pénalité de 0,50$ s’ils sont hébergés par l’association. En 1935 et 1936, ils gagnent 1,75$ par jour avec une pénalité d’hébergement de 0,50$ et ont droit à un salaire de 0,20$ de l’heure en 1937, de 0,225$ de l’heure en 1940, puis de 0,25$ de l’heure en 1942. À partir de 1937, les employés doivent payer une pénalité de 0,05$ de l’heure s’ils sont hébergés par l’association et les contremaîtres dirigeant une équipe de protection ont droit à une prime de 0,05$ de l’heure.

En 1949, la L.O.F.P.A.L. offre à ses employés un cours de formation sur les responsabilités des garde-feu. Les notes des cours de l’instructeur présentent que les garde-feu sont responsables de l’entretien et de la réparation des lignes téléphoniques, des campements et des constructions, des équipements, des tours d’observation et des portages. Ils sont aussi responsables de «la bonne propagande à diffuser auprès du public», de «l’émission et [du]contrôle des permis de circulation» en forêt, de «l’organisation des travaux de patrouilles et de surveillance», de mesurer le risque d’incendie, en cas d’incendie, «organiser son équipe de combat» et de remplir un rapport d’incendie.

Source sonore : Damien Morin : Collection Société historique de la région de Mont-Laurier, série témoignages oraux, ruban #09

 

À la fin des années 1940, les associations de protection contre le feu ont recours à un autre moyen de transport pour parcourir leur concessions forestières : le véhicule motorisé, un camion ou une voiture. Nonobstant le fait qu’aucune référence à l’utilisation de camion pour le transport de billots de bois n’ait été retracée antérieurement à 1960, les budgets de la compagnie Gillies Brothers indiquent néanmoins qu’une proportion importante (plus de 33%) du montant prévu aux réparations et à l’entretien est alloué pour les route.

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La présence de ces infrastructure présuppose une utilisation quelconque de ces transports motorisés.

C’est au cours des années 1940 que les premiers contrats d’achat de bois provenant des terres privées par la James Maclaren Company mentionnent le transport du bois par camion, plutôt que par flottage. Ces contrats restent peu nombreux et le flottage du bois reste le moyen le plus commun pour transporter le bois jusqu’aux usines de transformation.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Au cours du XIXe siècle, le développement de la région de l’Outaouais était intimement lié au développement de l’exploitation forestière. Les historiens ainsi que plusieurs autres analystes ont tenté de qualifier cet impact et un débat important entoure la relation qui existe entre l’exploitation forestière et le développement de l’agriculture. Le texte de Lorne-F. Hammond intitulé Anatomy of a Lumber Shanty : A Social History of Labour and Production on the Lièvre River, 1876-90 présente de façon concise les visions diverses qui se sont articulées autour de ce débat.

Tout d’abord, on présente l’agriculture et l’exploitation forestière comme deux activités complémentaires. Elles le sont d’abord par leur cycle saisonnier, puisque l’agriculture requiert une main-d’œuvre dans les mois d’été alors que l’exploitation forestière embauche ses travailleurs principalement pour les mois d’hiver. Il faut aussi noter que la frontière agricole suit les poussées de l’exploitation forestière. Des petits villages apparaissent non loin des camps forestiers, suivant d’ailleurs les principaux cours d’eau sur lesquels la drave est effectuée. Il faut noter que cette vision s’appuie fortement sur le caractère saisonnier des deux activités, dès que les industries forestières se concentrent sur la production de pâtes et de papiers, des tensions apparaissent puisque les travailleurs devront choisir entre un travail annuel à l’usine ou un travail saisonnier sur la ferme et dans les camps forestiers.

Pour leur part, Raoul Blanchard et Esdras Minville parlent de dépendance mutuelle des activités. Ils nuancent grandement en démontrant qu’un secteur d’activité est avantagé par rapport à l’autre. Ils indiquent que la domination de l’exploitation forestière sur l’agriculture s’incarne par la facilité avec laquelle sont vendus le bois ainsi que les produits qui en sont dérivés.

Enfin, une dernière vision présente les conflits qui opposent les deux secteurs économiques. La thèse de Normand Séguin, reprise aussi par Gérard Bouchard, vise à démontrer que l’exploitation forestière et l’agriculture sont incompatibles et que des tensions surviennent nécessairement entre ces deux secteurs économiques. Elle présente d’abord les tensions entre les agriculteurs et les entrepreneurs forestiers pour la propriété des ressources forestières qui se trouvent, dans certains cas, sur des terres propices à l’agriculture. De plus, la thèse démontre que l’incursion graduelle des camps forestiers en sols marginaux, se prêtant mal à l’agriculture, rend difficile leur approvisionnement. L’éloignement limite aussi les débouchés des agriculteurs et engendre un sous-développement économique dans les régions les plus éloignées, ce qui, selon la thèse, permet aux entrepreneurs forestiers de conserver un bassin de travailleurs qui acceptent de travailler dans des conditions médiocres.

Le fonds de la Consolidated Bathurst Inc. a des lacunes évidentes au niveau des documents concernant les travailleurs en usine. Afin de pallier ces lacunes, nous proposons ici un second texte portant sur les conditions de travail des employés de la Canadian International Paper, espérant rejoindre le plus possible, par le caractère générale du texte, la réalité vécu dans les usines de la Gillies Brothers.

Les emplois dans les usines étaient beaucoup plus convoités par rapport aux emplois offerts dans les chantiers parce qu’ils étaient annuels. Par contre, les usines ont également leur lot d’emplois saisonnier tel que l’empilage du bois ainsi qu’à son déplacement vers les broyeurs. L’empilage du bois débute en général vers la deuxième moitié de mai ou la première moitié de juin. Cette tâche est conditionnelle à l’arrivée du bois dirigé par les draveurs qui conduisent les radeaux de bois vers l’usine.

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Au moment ou débute l’empilage du bois, le nombre de travailleurs employés au transport du bois entre la cour à bois et les broyeurs est réduit.

Il est possible que certains employés qui y travaillaient ont été alloués à l’empliage du bois, mais ceci reste à confirmer. Une fois l’empilage du bois terminé, le nombre de travailleurs alloués à l’alimentation des broyeurs est à nouveau augmenté. L’arrivé des radeaux de bois amène aussi la compagnie à embaucher un certains nombre supplémentaires d’administrateur qui évalue la production possible par rapport à la quantité de bois qui est acheminé à l’usine. En tout et pour tout, les emplois saisonniers offrent entre 100 et 200 emplois supplémentaires par années.

 

 

La Gillies Brothers débute ses opérations forestières en Outaouais seulement au tournant du XXe siècle et s’implante dans des communautés qui existent depuis plusieurs années. Pour cette raison, ce texte présentera plutôt l’essor du canton de Sheen et du petit village de Sheenboro en relation avec les entrepreneurs forestiers antérieurs à la Gillies Brothers. Les informations de ce texte proviennent principalement d’une recherche de Sean Harold Darcy intitulée Sheen Township and the Agro-forest Economy, 1830-1900.

Les historiens cherchent à déterminer l’importance qu’occupent l’économie agricole et l’économie forestière dans la vie des gens du XIXe siècle et Darcy présente une analyse intéressante de la place de l’économie forestière dans le Pontiac. Il note que les activités reliées à l’économie forestière sont celles qui attirent d’abord un certain nombre d’hommes malgré l’éloignement des villages. Parmi eux, certains s’installent sur les terres à proximité des postes de traite et des camps forestiers, bien que souvent les terrains n’aient pas été arpentés. Ces pionniers, squatters, travaillent ainsi pendant plusieurs années avant de pouvoir payer leurs terres. Darcy donne l’exemple de John Shea qui émigre d’Irlande en 1832 et qui travaille pour l’entrepreneur forestier John Egan pendant 18 ans avant de pouvoir acheter une terre dans le canton de Shee. Dans cette perspective, il est clair que l’économie forestière joue un rôle moteur dans le développement primaire des communautés.

L’évolution de la population du canton est graduelle et lente. La majeure partie de la population déclare une profession reliée à l’économie agricole tout au cours de la période qui s’étend de 1851 à 1901. Peu à peu, un village apparaît. La construction d’une église catholique débute en 1861 pour s’achever en 1871, puis une scierie est construite en 1872 par W.-J. Poupore. Le centre du village s’organise autour de l’église Sainte-Bridget. Une auberge, ainsi qu’un magasin et une écurie, apparaissent et servent d’arrêt pour les hommes et les attelages qui se dirigent vers les camps forestiers.

Source : Darcy, p.31

Source : Darcy, p.31

Bien que la majeure partie de la population travaille dans l’économie agricole, il ne faut pas conclure que cette dernière revet un caractère prédominant. L’analyse des livres comptables du magasin général de James McCool situé au Fort William est très révélateur. James McCool achète la majeure partie de la production agricole des habitants du canton et la revend aux compagnies forestières. De plus, il faut comprendre que James McCool, en plus d’opérer un magasin général, est aussi un entrepreneur forestier embauché par les compagnies forestières pour effectuer la coupe et le transport du bois. Dans ce contexte, il est clair que James McCool achète des cultivateurs uniquement les produits qui sont nécessaires pour les opérations forestières. Donc, l’économie agricole florissante de cette région est clairement soumise aux besoins de l’industrie forestière.

Sean Harold Darcy. Sheen Township and the Agro-forest Economy, 1830-1900.P.28